Cinéma : Tintin empire ?
Le secret le plus grand plane sur la réalisation de The Secret of The Unicorn, premier volet d’une trilogie Tintin mise en chantier par Steven Spielberg et Peter Jackson. Jusqu’ici n’ont filtré que deux ou trois photos de tournage : Jamie Bell et d’autres comédiens y sont vêtus d’une combinaison bardée de capteurs. Rien qui ne puisse permettre de juger, alors, de la qualité de ce film tourné en performance capture.
Or voilà qu’à la faveur du week-end de la Toussaint, et après quelques jours de suspense, les deux cinéastes, via le site internet du magazine anglais Empire, ont dévoilé les trois premiers visuels.
La première « photo », qui fait la couverture du nouveau numéro d’Empire, braque un projecteur sur Tintin et son compagnon à quatre pattes, Milou. Les deux autres, qui évoquent la rencontre entre Haddock et le reporter, nous dévoilent le visage du Capitaine en gros plan, et la scène du Crabe aux pinces d’or où les deux compères, hissés sur un canot retourné, se font attaquer par un avion-mitrailleur.
Depuis ce 1er novembre, les commentaires vont bon train sur la Toile. Il y a ceux qui applaudissent de voir enfin leur BD préférée promise au grand écran pour la première fois depuis un demi-siècle. Il y a ceux, plus circonspects, qui ne savent que dire et attendent le résultat définitif. Enfin, on compte plusieurs détracteurs, ceux-là même, souvent, qui avaient parié que Spielberg ne parviendrait jamais à concrétiser son rêve, et qui crient déjà au sacrilège.
Bien souvent les critiques concernent le physique des deux personnages principaux. On peut lire çà et là que Haddock a une trogne d’alcoolique, ou un visage de troll à gros nez. Le héros à la houppe en prend également pour son grade : d’apparence trop juvénile, on le voit mal partir à la recherche du trésor de Rackham le Rouge.
Ces internautes désapprobateurs devraient réécouter l’entretien qu’Hergé a accordé en 1979 à Jacques Chancel, pour constater que Spielberg et Jackson sont finalement restés plus fidèles encore qu’on ne le pense, à l’idée qu’Hergé se faisait de son œuvre. Dans cette Radioscopie, on apprend que Tintin a entre 14 et 17 ans : autant dire que c’est réellement un gamin. Plus loin, lorsque Chancel lui fait remarquer que ses caricatures de femmes sont empreintes de misogynie, Hergé répond : « Ce serait plutôt de la misanthropie puisque tous mes hommes sont laids comme des poux* ! ». CQFD : les deux réalisateurs n’ont finalement fait que 3D-iser ce qui préexistait.
Mais il est vrai que chacun voit son Tintin à sa façon et trouvera toujours quelque chose à redire. « Traduttore, traditore », dit la maxime italienne. En 1969, un film d’animation reprenant la trame du Temple du Soleil avait inspiré à un jeune lecteur de Tintin cette réflexion : « Je n’aime pas le capitaine Haddock au cinéma. Il n’a pas la même voix que dans les albums ! ». T.)").
A lire Empire n°258, « Spielberg and Jackson’s Adventures of Tintin », décembre 2010, déjà en kiosques.
A consulter www.empireonline.com
* Radioscopie, entretien avec Jacques Chancel, France Inter, 9 janvier 1979. Le terme « misandrie » aurait été plus exact.