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□ La Boîte de Thaddeuss

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  • La Boîte de Thaddeuss observe, remarque, critique notre quotidien de l'image, des mots et du son. On trouve tout dans la Boîte. Ouvrez-la, dépliez-la, elle est sans fond mais essaie de proposer des articles qui en ont !
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Derniers commentaires
5 novembre 2010

Cinéma : Tintin empire ?

Le secret le plus grand plane sur la réalisation de The Secret of The Unicorn, premier volet d’une trilogie Tintin mise en chantier par Steven Spielberg et Peter Jackson. Jusqu’ici n’ont filtré que deux ou trois photos de tournage : Jamie Bell et d’autres comédiens y sont vêtus d’une combinaison bardée de capteurs. Rien qui ne puisse permettre de juger, alors, de la qualité de ce film tourné en performance capture.

Or voilà qu’à la faveur du week-end de la Toussaint, et après quelques jours de suspense, les deux cinéastes, via le site internet du magazine anglais Empire, ont dévoilé les trois premiers visuels. 

Empire_couvLa première « photo », qui fait la couverture du nouveau numéro d’Empire, braque un projecteur sur Tintin et son compagnon à quatre pattes, Milou. Les deux autres, qui évoquent la rencontre entre Haddock et le reporter, nous dévoilent le visage du Capitaine en gros plan, et la scène du Crabe aux pinces d’or où les deux compères, hissés sur un canot retourné, se font attaquer par un avion-mitrailleur.

Depuis ce 1er novembre, les commentaires vont bon train sur la Toile. Il y a ceux qui applaudissent de voir enfin leur BD préférée promise au grand écran pour la première fois depuis un demi-siècle. Il y a ceux, plus circonspects, qui ne savent que dire et attendent le résultat définitif. Enfin, on compte plusieurs détracteurs, ceux-là même, souvent, qui avaient parié que Spielberg ne parviendrait jamais à concrétiser son rêve, et qui crient déjà au sacrilège.

Bien souvent les critiques concernent le physique des deux personnages principaux. On peut lire çà et là que Haddock a une trogne d’alcoolique, ou un visage de troll à gros nez. Le héros à la houppe en prend également pour son grade : d’apparence trop juvénile, on le voit mal partir à la recherche du trésor de Rackham le Rouge.

                              Haddock

                              Canot

Ces internautes désapprobateurs devraient réécouter l’entretien qu’Hergé a accordé en 1979 à Jacques Chancel, pour constater que Spielberg et Jackson sont finalement restés plus fidèles encore qu’on ne le pense, à l’idée qu’Hergé se faisait de son œuvre. Dans cette Radioscopie, on apprend que Tintin a entre 14 et 17 ans : autant dire que c’est réellement un gamin. Plus loin, lorsque Chancel lui fait remarquer que ses caricatures de femmes sont empreintes de misogynie, Hergé répond : « Ce serait plutôt de la misanthropie puisque tous mes hommes sont laids comme des poux* ! ». CQFD : les deux réalisateurs n’ont finalement fait que 3D-iser ce qui préexistait.

Mais il est vrai que chacun voit son Tintin à sa façon et trouvera toujours quelque chose à redire. « Traduttore, traditore », dit la maxime italienne. En 1969, un film d’animation reprenant la trame du Temple du Soleil avait inspiré à un jeune lecteur de Tintin cette réflexion : « Je n’aime pas le capitaine Haddock au cinéma. Il n’a pas la même voix que dans les albums ! ». T.)").

A lire Empire n°258, « Spielberg and Jackson’s Adventures of Tintin », décembre 2010, déjà en kiosques.

A consulter www.empireonline.com

* Radioscopie, entretien avec Jacques Chancel, France Inter, 9 janvier 1979. Le terme « misandrie » aurait été plus exact.

 

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4 octobre 2010

« Je n’ai pas fait le Japon »

Il y a quelques jours encore, une amie me lançait : « Ah, toi aussi, tu es allé au Japon ? Est-ce que tu as visité le temple de Machin, et le musée Bidule, et…, et… ». Non, je n’avais rien vu de tout cela. « Mais alors, me rétorque-t-elle, t’es pas allé dans le vrai Japon, alors ! » 

Fr_d_ric_Boilet

Voilà qui me fait songer à cette réflexion du dessinateur Frédéric Boilet :

« Après onze mois et demi d’un séjour ininterrompu, je quitte le Japon sans avoir rien vu. […] je n’ai pas visité le temple d’or de Kyôto, je ne me suis pas plus approché des cerfs de Nara, je n’ai passé aucune nuit dans un hôtel capsule ni aperçu un seul pousseur dans le métro de Tôkyô… Mais il y a pire, l’incompréhensible, l’inexcusable négligence, j’ose à peine avouer : je quitte le Japon sans avoir vu le Mont Fuji !

Que vont penser mes amis […], eux qui parviennent, chaque été et avec quel brio, à visiter toutes les choses indispensables d’un pays, en un mot à le "faire" ? […] 

Voilà bien un souvenir, celui de mes chers amis, qui m’invite à l’humilité, peut-être au regret : non, décidément, je n’ai pas fait le Japon. »

La découverte d’un pays se résume-t-elle et se limite-t-elle en effet à voir des monuments et des paysages de carte postale, pour vérifier, tel les Dupondt d’Hergé, ce qui « est bien connu » ? Le tourisme culturel est inévitable lorsque l’on débarque dans un pays. Il est bienvenu mais il n’est pas suffisant. Du reste, que retient le touriste moyen de la visite d’un musée ? Pour ma part j’ai surtout souvenir du quotidien nippon. J’ai fureté dans le métro, chez les disquaires. J’ai respiré l’odeur marine des criées matinales, où le poissonnier hèle le client – « Irasshaimase ! ». J’ai accompagné de jeunes enfants en colonie de vacances.

Antoine_de_MaximyEn somme, la meilleure manière de découvrir une contrée est sans doute de suivre un quidam dans la rue. De suivre les pas d’Antoine de Maximy. Armé de mini-caméras, ce fameux aventurier a déjà parcouru depuis 2004 le globe en tout sens, pour son émission J’irai dormir chez vous. Ancien reporter de guerre, celui-ci gardait une certaine insatisfaction, dans sa prime carrière, de quitter un pays sans l’avoir visité. De Maximy va à la rencontre des autochtones et nous fait partager leurs lieux de travail ou de loisirs, leurs logements, ne négligeant ni l’agitation urbaine ni les coins les plus reculés. Mais en prenant soin de fuir les sentiers battus. Des choses qui nous restent finalement en mémoire, parce qu’à la fois elles rappellent notre propre quotidien, et en divergent. T.M.

A lire Frédéric Boilet, L’Apprenti Japonais, Les Impressions Nouvelles, coll. « Traverses », Bruxelles, 2006 (2e ed. 2008).

A voir Antoine de Maximy, J’irai dormir chez vous, plusieurs DVD chez MK2.

 

4 avril 2010

Mode & musique

Depuis quelques années, les biopics (biographies romancées) déferlent au cinéma, en France comme à l’étranger : Sagan, Piaf, Marie-Antoinette, Ray Charles, Coluche, la liste est longue. Nous sommes peut-être maintenant à l’orée d’une nouvelle vague : les bio-albums. Deux disques-concept viennent de sortir coup sur coup, consacrés à Yves Saint Laurent et à Edie Sedgwick.

Saint_LaurentEt qui de mieux pour chanter le couturier français, sinon le dandy Alain Chamfort ? Le livre-CD présent depuis quelques semaines en librairie propose 16 titres, survolant les principaux événements de la vie de Saint Laurent, depuis sa jeunesse à Oran jusqu’à sa disparition en 2008, en passant par ses rencontres avec son maître Christian Dior et son compagnon Pierre Bergé, ou encore la création révolutionnaire du smoking pour femmes.

Les mélodies, très réussies, oscillent entre un son très pop (l’excellent tube A la droite de Dior, très Velvet) et une musique plus mélancolique (Les Clochettes blanches, ou On dit, qui traduit bien les tourments du créateur).

Le disque est offert pour l’achat du livre du même nom, Une vie Saint Laurent, qui comprend un texte fort intéressant, agrémenté des paroles des chansons, de photographies et de dessins de mode. Un beau livre-objet.

C’est à Alizée qu’on doit l’autre nouveauté, Une enfant du siècle, consacrée au mannequin américain que fut Edie Sedgwick – on reste dans la mode. Un nouveau tournant, particulièrement audacieux dans la carrière de la jeune chanteuse. Dans son album précédent, elle avait déjà consacré un titre, plus enjoué (Fifty-Sixty), à l’égérie d’Andy Warhol. Ici, Alizée change radicalement de genre, en faisant appel à la fine fleur de la production électro actuelle, Château Marmont essentiellement.alizee_une_enfant_du_siecle

Une enfant du siècle semble difficile d’accès à la première écoute, mais séduit dès la seconde. Les paroles évoquent surtout les errances nocturnes d’Edie Sedgwick, morte en 1971 d’une overdose. Les arrangements quant à eux évoquent les années ’80. On songe pêle-mêle à la pop électro d’Etienne Daho (qui créa en 1985 une Ballade d’Edie S., justement) ou de Kylie Minogue, au clavier de J.-M. Jarre, aux génériques de dessins animés de l’époque. Ou encore au romantisme décadent dont on connaît les principaux représentants pour les avoir redécouverts dans les BO des films de Sofia Coppola.

Initiatives isolées ou albums-concept précurseurs d’une nouvelle mode ? L’avenir nous le dira. T.M. 

A écouter et à lire P.-D. Burgaud, A. Chamfort, R. Murphy, Une vie Saint Laurent, Albin Michel, Paris, 2010.

A écouter Alizée, Une enfant du siècle, Sony Music, 2010.

 

2 avril 2010

Point d’exclamation, point de lol

Stop aux mdr, sus aux ptdr, à bas les lol.

La force d’un humoriste écrivain comme Pierre Desproges résidait, entre autres, dans l’usage parcimonieux des points d’exclamations. Souvent ses phrases se terminaient par un simple point.

Employer le point d’exclamation (pire encore : le doubler, le tripler), c’est souvent souligner le caractère humoristique d’une phrase, comme si celle-ci ne se suffisait pas à elle-même, comme par un manque de confiance en notre propre potentiel comique. Desproges, par un point, ne pointait pas du doigt les moments drôles de ses textes. A nous de comprendre son humour, et tant pis pour le lecteur s’il n’a pas compris. L’humour, pensait Fernand Raynaud, s’adresse aux êtres supérieurs, et ce ne sont pas nécessairement les plus intellectuels d’entre nous.

lol___photoAujourd’hui, les lol et les mdr sont une régression, comparés au point d’exclamation qui pouvait encore être légitime. Ces abréviations (« loud of laugh » ou « lot of laughing », « mort de rire ») pullulent les messages par téléphone portable, les murs de Facebook et les discussions sur msn.

Ces trois lettres qui ponctuent ce qui est sensé être drôle sont utilisés pour des raisons que je compte au nombre de deux :

Soit l’internaute (ou le textophile) sort une plaisanterie, et ayant l’impression qu’elle n’amuse  que lui, ajoute lol, qui signifie alors « eh, cher ami, j’ai fait une blague, c’est drôle, il faut rire », ce qui dénote un manque de confiance en son humour, ou la conviction qu’il est réellement mauvais.

Soit il envoie une pique, une réflexion taquine ou un peu méchante à son interlocuteur, et l’acronyme qui suit immédiatement veut dire « non, je plaisante, je ne pense pas ce que je dis », et dans ce cas, l’auteur de la petite phrase cruelle n’assume pas ce que l’autre comprendra pourtant, dans la plupart des cas, comme du second degré.

Donc, assumez-vous, que votre humour soit médiocre ou corrosif, abstenez-vous de ces lol et mdr, ou abstenez-vous tout court lol !!! Flûte. Je me suis laissé prendre à mon jeu. T.M.

 

21 mars 2010

L'Enfer du décor

 

Enfer_afficheLes cinéphiles qui n’avaient pu voir en salles L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot ont droit à une séance de rattrapage : le DVD vient de sortir chez MK2.

L’Enfer est à l’origine un projet des années ’60 du mythique réalisateur du Salaire de la peur, de L’assassin habite au 21, ou encore des Diaboliques. Cette fois, Clouzot voulut aller plus loin dans le langage cinématographique. S’inspirant des travaux d’Henri Michaux et de l’Op art (Vasarely), son idée était de matérialiser à l’écran les hallucinations d’un mari jaloux (Serge Reggiani), traquant sa femme (Romy Schneider) dans ses allées et venues.

Lors de la préparation, puis pendant le tournage du film, Clouzot multiplia avec son équipe les expériences, travaillant sur les couleurs et les sons, la répétition de l’image et la lecture inversée de séquences. Du véritable bricolage de génie, surpassant presque Cocteau et son Orphée. Malheureusement, le titre du film déteignit sur l’ambiance du tournage : Clouzot, angoissé, ne sachant très bien où le mènerait son projet, devint ingérable. Reggiani, ne s’entendant plus avec lui, se résolut même à quitter les lieux, prétextant une maladie. Finalement, le cinéaste lui-même fut victime d’un infarctus, le tournage fut définitivement interrompu, et les bobines mises à l’abri de tout regard.

En 1992, Frédéric Mitterrand dénicha quelques minutes du film, qui furent diffusées sur FR3 : le visage de Romy Schneider y était magnifié par un jeu de lumières irisées en mouvement. Le jeune Michel Gondry devait sûrement regarder la télévision ce soir-là : il s’en inspira pour créer le clip illustrant Les Voyages immobiles d’Etienne Daho.

Le reste des rushes dormait dans des placards pour des questions de droit. Jusqu’à ce qu’un jour la veuve de Clouzot cédât aux insistances de Serge Bromberg. Le documentaire qu’il a réalisé avec Ruxandra Medrea alterne de larges extraits du projet avorté, des témoignages de membres de l’équipe du film, et des scènes dialoguées interprétées par Bérénice Bejo et Jacques Gamblin.

Plus qu’un simple montage d’archives et d’interviews, c’est à une réelle leçon de cinéma qu’on assiste ici, avec les doutes d’un metteur en scène, les impasses que peut susciter le travail d’un film, les interrogations de techniciens et de comédiens en déroute.enfer_d_henri_georges_clouzot

En bonus, un deuxième documentaire complémentaire s’attarde davantage sur les rapports entre Clouzot et son équipe sur le tournage de L’Enfer. T.M. 

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot, de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea (Fr., 2009), avec Romy Schneider, Serge Reggiani, Bérénice Bejo, Jacques Gamblin ; et les témoignages de Costa Gavras, Catherine Allégret… DVD chez MK2.

 

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13 février 2010

Un anniversaire AD Hoc

Bientôt trente ans qu’Hergé nous a quittés, mais le mythe Tintin demeure intact. Le petit héros de BD belge suscite encore et toujours essais et commentaires de tout acabit, traductions en langues et dialectes divers, produits dérivés, et on annonce pour l’automne 2011 le premier volet d’une trilogie en 3D produite par Steven Spielberg et Peter Jackson.Dory

Depuis une dizaine d’années, on voit fleurir de nombreuses associations tintinophiles, en France ou à l’étranger. L’une des plus sympathiques a pour nom Le Cercle Archibald, présidé par le dynamique Benoît Grimonpont. Une revue annuelle, Doryphores !, dissèque l’œuvre du Maître et propose à ses membres des entretiens avec des proches d’Hergé et des tintinophiles distingués.

Les Amis de Hergé constituent sans conteste le plus grand de ces regroupements : ils dépassent les mille membres à travers le monde. Editrice d’un semestriel de luxe, l’association des ADH convie chaque année les aficionados du reporter à la houppe à une Assemblée générale à Nivelles, en Belgique. Le 6 mars prochain sera justement une date un peu particulière puisque les ADH fêteront ce jour-là leurs 25 ans d’existence.

On annonce pour ce rendez-vous exceptionnel la présence de Jean-Marie Apostolidès, professeur à l’Université de Stanford et auteur de Tintin et le mythe du Surenfant. Le Docteur Bertrand Portevin, apprécié du milieu tintinophile, sera lui aussi de la partie et donnera une conférence intitulée Sacré Hergé, portant sur le thème des signes religieux dans les albums de Tintin. « Révision des grands textes de la Bible obligatoire la veille ! », prévient-il avec malice.

Couverture_Revue48BisD’autres invités feront l’honneur de leur présence, parmi lesquels François Walthéry, auteur de la bande dessinée Natacha, ou encore la journaliste Michèle Cédric, qui eut le privilège, en 1979, d’interviewer le père de Tintin.

Les collectionneurs pourront dénicher l’album en noir et blanc ou la figurine qui leur manque au cours de la bourse matinale, et n’oublieront pas de visiter l’exposition qui sera dédiée à Quick et Flupke, héros d’une autre série créée par Hergé, et qui soufflent cette année leurs 80 bougies.

Un samedi pas comme les autres dont les souvenirs tintinnabuleront longtemps dans la mémoire des ADH. T.M.

Assemblée générale des Amis de Hergé, 6 mars 2010, Hôtel Nivelles Sud, Belgique.

A consulter www.lesamisdeherge.be et www.hotelnivellessud.be

22 janvier 2010

Benoît Peeters, homme d’images

 

070517benoit_peeters_nBenoît Peeters est un homme inclassable. Né en France en 1956, belge d’adoption, il a suivi des études de philosophie et de sciences sociales à Paris, notamment sous la direction du sémiologue Roland Barthes, ce qui n’est pas rien. 

Son premier roman, Omnibus, paraît en 1976 aux éditions de Minuit. Déjà, il s'intéresse à la frontière floue qui existe entre fiction et réalité. Mais bien vite, et malgré deux ou trois autres titres qui figureront par la suite dans sa bibliographie, la pure littérature passe au second plan. Ce qui fascine Peeters, ce sont les images et les mots, leur création, leur utilisation, leur appréhension. Auteur de livres portant sur des thèmes aussi divers que le cinéma (Hitchcock), l’écriture (Agatha Christie, Paul Valéry) ou la photographie (Nadar), il s’est surtout fait connaître comme spécialiste de la bande dessinée. Ses ouvrages théoriques et critiques sur les origines du Neuvième Art ou sur son fonctionnement font autorité en la matière. Benoît Peeters est de surcroît l’un des plus fins connaisseurs – sinon le plus grand – de l’œuvre et de la vie d’Hergé.  

Mais Peeters ne se contente pas d’analyser, de commenter pour nous la création des autres. Lui-même a, très tôt dans sa carrière, joué avec l’image sous toutes ses formes. Dans les années ’80, il a entrepris un dépoussiérage du roman-photo avec la photographe Marie-Françoise Plissart, en donnant ses lettres de noblesse à un genre qui se cantonnait jusqu’alors aux récits à l’eau de rose des revues féminines. Un succès qui fut hélas très confidentiel sur le plan commercial. Plus heureuses furent ses tentatives de scénariste auprès de dessinateurs de BD ; la plus renommée de ses séries demeure Les Cités Obscures, qu’il imagine avec François Schuiten, et qui lui permet de s’adonner à sa passion pour l’urbanisme et les inventions dans la lignée de Jules Verne.Ecrire_l_image

Benoît Peeters a été plus loin encore : scénographe d’expositions, scénariste et réalisateur de documentaires, il a mis en scène quelques courts-métrages, mais aussi un film plus ambitieux, Le Dernier Plan (1999), avec entre autres Pierre Arditi.

En se plongeant dans l’œuvre très diverse mais finalement cohérente de Benoît Peeters, qui met actuellement la dernière main à une biographie du philosophe Jacques Derrida, on a comme la sensation toujours renouvelée de découvrir l’art autrement, et de percevoir avec un regard privilégié le monde qui nous entoure. T.M. 

A lire Benoît Peeters, Ecrire l’image. Un itinéraire, Les Impressions Nouvelles, Bruxelles, 2009. 

A consulter www.lesimpressionsnouvelles.com (site de la maison d’édition qu’il a cofondée) et www.lespierides.com.

 

29 décembre 2009

Avatardises


Avatar_afficheCa y est. Je fais partie des près de 5 millions de Français (pas de quoi être fier) qui ont déjà vu
Avatar ! J’avoue y être allé avec une certaine réticence. N’ayant vu de la filmographie de James Cameron que le fameux Titanic, j’étais en droit de m’interroger sur le bien-fondé de son nouveau film. Titanic, à part les effets spéciaux époustouflants à l’époque, n’a qu’un intérêt limité du point de vue intrigue. Mon frère ayant déjà vu une première fois Avatar et m’assurant du contraire, je l’ai donc accompagné au cinéma le jour de Noël. 

Je rappelle brièvement le pitch d’Avatar : Jake Sully, ancien marine paraplégique, est envoyé sur Pandora, qu’il visite via un avatar, un corps qu’il peut contrôler par l’esprit, et qui a l’aspect d’un Na’vi, espèce humanoïde qui vit sur cette planète. Sa mission initiale consiste à explorer un lieu qui intéresse des industriels terriens, pour la simple et bonne raison qu’il contient un minerai inconnu. Bien vite Jake tombe amoureux de Neytiri, du peuple na’vi dans son ensemble, et de leur nature encore épargnée par l’Homme. 

Deux heures quarante de cinéma 3D, dont le seul aspect séduisant est la création originale de la végétation luxuriante de Pandora. On suit Jake et les Na’vi courant sur les branches d’un arbre géant, on plonge dans le vide à dos d’une sorte d’oiseau chimérique, on admire des espèces de méduses aériennes miniatures… On se croirait dans un Ushuaïa de fiction, accompagné de Nicolas Hulot. Mais les charmes d’Avatar s’arrêtent là.

Car vient le moment de la bataille opposant humains et Na’vi, dans une séquence qui dure au moins trois quarts d’heure (ça m’a paru plus long encore que la pire des séquences de Matrix Revolutions : l’attaque de la cité de Zion par les machines). Ca tire de partout, ça explose, ça fait boum, tacatacatac, de gros hélicoptères qui ressemblent à des mouches s’écrasent dans la jungle, ça brûle, ça hurle de partout, c’est bruyant, c’est long, et ça fait la joie des inconditionnels du cinéma hollywoodien.

Avatar, c’est en quelque sorte Rambo contre Pocahontas. Avec un message mal exploité, limite prétentieux, qui enfonce les portes ouvertes : sauvons la nature. Si au moins, le film aura réveillé quelques consciences, alors la morale est sauve. Pour ma part – mais je ne suis pas certain que c’était l’effet escompté par Cameron –, j’ai bien ri. T.M.

Avatar, de James Cameron (USA, 2009), avec Sam Worthington, Sigourney Weaver, Zoe Saldana, Stephen Lang, Michelle Rodriguez, Giovanni Ribisi.

Avatar__image

26 décembre 2009

2009, année mortelle !

A l’heure des bilans de fin d’année, plusieurs sites internet affirment que 2009 a été particulièrement cruelle avec les personnalités du cinéma et de la musique. Je ne crois pas que 2008 ou 2007 ait compté moins de décès parmi les célébrités, et élaborer la liste de ceux qui sont passés de vie à trépas est pour le moins glauque.

Michael_Jackson_InrocksMais si cette année est particulière, c’est probablement parce qu’elle a vu disparaître des acteurs, des chanteurs plus ou moins encore à la fleur de l’âge. La médiatisation de la mort de Michael Jackson est sans conteste l’événement qui donne cette impression d’un millésime pas comme les autres. Si l’on ajoute, parmi les autres nécrologies lues dans la presse ou présentées par les médias, l’accident de la circulation qui a coûté la vie à l’acteur Jocelyn Quivrin, et plus récemment le décès soudain de Brittany Murphy, alors le lecteur-téléspectateur se dit qu’effectivement, 2009 a été une véritable hécatombe dans le milieu du show-biz.

Pourquoi la mort d’un artiste émeut-elle particulièrement M. et Mme Tout-le-Monde ? A cela je vois trois explications principales. La première est inhérente au statut de star. On a beau être célèbre, riche, aimé au moins d’une partie du monde, on n’en est pas moins un être humain, de même constitution que le quidam que l’on croise à la boulangerie. S’appeler Michael Jackson n’empêche pas d’être mortel.

Ensuite, la mort d’un artiste est particulièrement mal acceptée car c’est la mort d’un créateur. Jocelyn Quivrin, Brittany Murphy avaient des facettes de leur talent encore insoupçonnées, des aspects de leur jeu de comédien jamais exploités. Michael Jackson avait peut-être dans sa tête de nouveaux rythmes, des idées de mise en scène inédites qu’il a définitivement emportés avec lui.

Enfin, la disparition d’une personnalité nous renvoie à notre propre mort. Il n’est pas nécessaire d’avoir atteint 70 ou 90 ans pour penser que nos jours sont comptés. La mort frappe n’importe quand, et murmure à l’oreille de celui qu’elle a choisi : « Pour toi, l’aventure se termine là ».

Sur ce, joyeuses fêtes de fin d’année à tous ! T.M.

17 décembre 2009

Flagrants DVDélires

A quelques jours de Noël, voici une petite idée cadeau. Chaque année voit son intégrale ou son édition de luxe de l’œuvre de Pierre Desproges. Livres, disques, DVD, plus de 20 ans après sa mort, le meilleure humoriste-écrivain de son temps reste une valeur sûre. Parce qu’il avait une plume talentueuse et vitriolée, parce qu’il pensait, doutait, et, disons-le tout de go, parce qu’il était pas con. 

La saison 2009 nous apporte son lot de nouveautés desprogiennes. Cette fois, le penseur comique ne tire pas toute la couverture à lui. C’est Le Tribunal des Flagrants Délires tout entier qui est à l’honneur.  

Cette émission, qui a sévi entre 1980 et 1983 sur France Inter, reposait sur un concept original : chaque jour une personnalité était invitée, ou plutôt convoquée à la barre d’un tribunal pour-de-rire, dont le Président était Claude Villers, l’avocat Luis Rego (ex-Charlot), et le procureur Pierre Desproges.

                Tribunal_DVD                          Tribunal_livre

Une tentative de retransmission audiovisuelle du Tribunal nous a laissé trois procès filmés, qui sortent ces jours-ci en double-DVD. Un Patrick Poivre d’Arvor encore tout juvénile, et un Jean Carmet dont les jeunes comme moi ont oublié l’esprit de répartie, passent l’un après l’autre sur le gril.

Le troisième prévenu a laissé des traces dans l’Histoire du rire : Jean-Marie Le Pen. C’est devant lui que Desproges a prononcé ce qui est devenu avec le temps une sorte de manifeste de l’humour noir et corrosif, clamant notamment : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Théorie que Desproges lui-même illustre immédiatement d'un exemple : chargé ensuite de défendre le président du Front National, Luis Rego (qui est d’origine portugaise) raconte « la journée d’un fasciste ». Le visage de Desproges se fige. Parce que Le Pen rit aux éclats.

A signaler en bonus de ces DVD indispensables, les témoignages de Rego et Villers, mais aussi de Pierre Perret (parrain de l’émission), et de ceux qu’on peut considérer comme les héritiers de Desproges, François Rollin et Stéphane Guillon, qui cite également deux de ses autres modèles, Guy Bedos et Thierry Le Luron. T.M.

A voir Le Tribunal des Flagrants Délires, 2 DVD, Studio Canal, 2009.

A lire Claude Villers, Le Tribunal des Flagrants Délires (+ CD : procès de D. Balavoine), Denoël, Paris, 2009.

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